Un virus nommé SRAS Cov2 est entré sur la grande scène du monde depuis quelques semaines.
Que nous dit-il ?
Que nous apprend-il ?
Pourquoi est-il aussi pathogène ?
Pourquoi déclenche-t-il des réactions aussi fortes que le confinement ?
Avant de poursuivre il importe de différencier le virus SRAS Cov2 de la maladie qu'il provoque le COVID19. Le virus fait partie du monde, la maladie parle des êtres humains, d'où l'extrême différence des formes de cette maladie. La forme de la maladie est l'expression de l'être avec son imaginaire, sa culture, son âge etc…
Regardons le virus d’un peu plus près.
Un virus est un micro-organisme très primitif au sens propre du terme, c'est-à-dire une des plus anciennes formes de vie existantes. Son nom d’origine latine évoque la force, une force brute, aveugle, sans conscience. Compte tenu de sa taille microscopique cette force colossale lui permet de se transmettre sous différentes formes depuis plusieurs centaines de millions d’années. Pour le jeune être humain vouloir rivaliser avec cette puissance titanesque est risible ; quant à le vaincre dans un combat viril… nous allons voir à quel danger cela nous expose.
Par ailleurs les virus sont constitués d’ADN ou d’ARN et jouent donc un rôle fondamental dans la formation des structures biologiques plus complexes au cours de l’évolution. Chaque être abrite un nombre considérable de virus qui participent silencieusement aux multiples échanges nécessaires à la vie à l’intérieur de nos corps.
Ces échanges ont lieu également avec l’extérieur par le nez, la gorge et la peau au plan respiratoire, digestif et cutané. Nous pourrions dire symboliquement, le virus c’est l’autre dans une relation nécessaire que nous le voulions ou pas.
Reprenons l’histoire naturelle de la vie d’un virus respiratoire tel que le SRAS Cov. Il pénètre par les voies aériennes supérieures de façon silencieuse puis il libère sa puissance à l’intérieur des cellules auxquelles il se lie et qu’il modifie, il se multiplie et va ensuite poursuivre son existence dans un autre organisme (contagion). Son passage provoque plus ou moins de réaction chez son hôte. Chez un individu sain de corps et d’esprit les symptômes sont nuls ou bénins : rhume, toux, fièvre…voire troubles du goût et de l’odorat pour ce type de virus. Voilà tout. Ou presque. En effet ceux qui croient naïvement qu’une armée défensive l’a arrêté sur le front en l’empêchant d’entrer plus avant se trompent lourdement. Le virus suit l’air dans les bronches puis les alvéoles pulmonaires et rencontre la membrane alvéolo-capillaire.
Cette membrane n’est pas une barrière mais une limite entre l’espace aérien et le sang contenu dans les vaisseaux sanguins ici appelés capillaires en raison de leur taille : pas plus d’un cheveu. La finesse de cette membrane et ses propriétés dynamiques la rendent perméable aux flux aériens et à ce qu’ils véhiculent : gaz dont l’oxygène et le CO2 et microparticules dont les virus. Une fois dans le sang, le virus est dans son élément, il circule allègrement. Résumons, le moi est dans ce lieu en relation aérienne avec le monde, cette membrane en assure la qualité. Dans le poumon cette fonction d’échange actif, métabolique (très peu passif) est assurée par l’interstitium pulmonaire et les maladies dans cette zone nommées pathologies interstitielles. Mot à mot, ça se tient entre, il s’agit d’une lisière, proximité extrême et fine avec le monde, presque à toucher. La constitution, formation de l’être est liée à un jeu relationnel d’une extrême subtilité au centre du corps dans le système cœur-poumon symbole séculaire des affects et des sentiments. Une immense dentelle de cent mètres carrés recueille h24 les essences volatiles que nous respirons pour en exalter la valeur dans chaque parcelle de notre être. A nous de savoir ce que nous respirons et de réfléchir ces valeurs pour enrichir notre esprit… Ou l’appauvrir, affaire de conscience.
Jusque là tout va bien, pas de quoi tomber les bras en croix dans un service de réanimation. Si le sujet est en confiance dans le monde (les enfants par exemple) ou en conscience du sens de ses paroles et de ses actes, tout doit bien se passer. L’être humain porte en lui la capacité de rentrer en relation sensible et intelligible avec tout élément venant de la terre. Mais si notre inculture, notre chaos intérieur entretenu par la déraison du monde nous fait croire que tout ce qui vient de l’extérieur est dangereux. Si la relation à l’autre est vécue comme un combat dans une arène où la foule hurle « Vae victis ! ». Si la société obéit à des règles pseudo darwiniennes où les plus faibles doivent périr aux bénéfices des plus forts. Alors le malheur n’est pas à nos portes mais bien en nous. Nous allons dresser des défenses vigoureuses pour sauvegarder une intégrité fictive. Le mécanisme de la maladie auto-immune risque de s’enclencher.
Ces maladies sont en progression d’allure épidémique, touchant de nombreux organes et en particulier le poumon interstitiel. Ces syndromes interstitiels sont le plus souvent chroniques mais peuvent être aigus, sous forme d’inflammation brutale comme ici dans le COVID19. Le sujet souffre et peut éventuellement mourir non pas d’une toxicité virale fantasmée mais de la violence de la réaction de défense que l’intrus suscite. La limite fine se transforme en épaisse barrière hermétique et arrête tout, même l’oxygène, même la vie.
L’inflammation de cette membrane, qui n’est qu’une zone de transfert, exprime le refus (ou le désir extrême) d’être altéré par un autre d’autant plus présumé dangereux qu’il est autre. Le virus en tant qu'infiniment autre prend ainsi le visage de la mort. Mais c'est notre fantasme, notre angoisse, notre peur qui sont questionnés. À chaque fois que nous sommes en relation avec quelqu’un se manifeste une possibilité d’évoluer. Nous nous métamorphosons le long de notre existence en nous frottant au monde au prix de douleurs et de grandes crises. Cette succession de distance et de rapprochement nous fascine et nous révulse à la fois d’où le feu du désir qui nous unit dans la passion et nous consume.
L’être possède une structure ternaire : il est physique, psychique (âme sensible) et symbolique (intelligence réflexive)
C’est pourquoi la dualité est une impasse fondamentale dans laquelle est la médecine comme toutes les formes relationnelles dans les sociétés contemporaines (nous combattons le virus pour l’éliminer, nous luttons contre le cancer sur un mode volontariste...)
Nous devons vivre notre capacité à entrer en relation avec l’autre or c‘est bien un combat mais en soi et pour soi et surtout pas un duel avec un vainqueur et un vaincu.
Nous avons l’obligation éthique d’aller vers l’autre pour ce combat, c’est pourquoi l isolement (confinement) est si dur à vivre. Attendre d’un chef ou d’une autorité quelconque qu’il décide pour nous n’est pas possible. Le phénomène que nous vivons nous convoque individuellement à notre conscience.
Nous vivons en cette occasion la possibilité et l’urgence d’un passage difficile à réaliser, de l’individualisme à l’individualité, du sensible à l’intelligible, de l'inconscience à la conscience. Hélas, nous ne pouvons changer que lorsque nous vivons une crise. D’où le foisonnement d’initiatives que nous observons. En récompense, l’accès à l’infinie beauté du monde ouvert grâce à l’éclosion de nos sens, est sans cesse augmenté par ce mouvement réflexif.
Dr MARC GUERY
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