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Michel Roméo

La dyslexie et l’orthophonie en question

Dernière mise à jour : 31 oct.



Conférences et débats


ll y a aujourd’hui une augmentation importante d’enfants adressés chez l’orthophoniste pour des troubles « dyslexiques ». 

En outre, le suivi de ces enfants dans les cabinets est souvent long, plusieurs mois voire des années. Qu’en est-il au fond de ce phénomène ? Efforçons-nous de questionner le sens de ce diagnostic afin de mieux comprendre le développement entravé de ces enfants et de mieux cerner la manière dont ils peuvent être aidés.

La dyslexie chez l’enfant est dite développementale en opposition à la dyslexie chez l’adulte dite acquise, consécutive à une affection cérébrale comme un AVC (« Accident Vasculaire Cérébral »). Dans le Dictionnaire d’Orthophonie,[1]  la dyslexie chez l’enfant est un trouble spécifique des apprentissages [...] [,] avec déficit de la lecture [pouvant] toucher trois composantes : 1) l’exactitude du décodage, 2) le rythme et la fluidité de la lecture, 3) la compréhension de la lecture [...] [non lié] à une limitation intellectuelle ni à des troubles sensoriels. Il est également dit dans cet ouvrage que des dysfonctionnements dans le traitement auditif de la parole et dans le développement du langage oral pendant la petite enfance seraient à l’origine de la dyslexie.

La cause du trouble est bien ciblée dans la petite enfance. Pourtant, en général, les orthophonistes accompagnent les enfants dyslexiques avec une technique neuropsychologique sans travailler avec les parents. Si ce trouble s’origine bien avant l’âge de l’apprentissage de la lecture, pourquoi ne pas s’interroger sur la construction psychique de l’enfant ? Bien entendu, nous pouvons comprendre que l’avis d’un « expert » tel que l’orthophoniste, muni du diagnostic, n’amène pas à considérer plus largement les difficultés. Au contraire, le terme « dyslexie » ferme la question d’une problématique plus profonde. Sans culpabiliser les parents ni les orthophonistes, il devient donc nécessaire de susciter des prises de conscience à même de pouvoir ouvrir une dimension humanisante au soin. Autrement dit, si la création de l’orthophonie en France, dans les années 1950, a représenté un réel progrès avec le souhait d’aider ces enfants en difficulté, il convient de constater aujourd’hui qu’elle ne joue qu’imparfaitement son rôle. Comment aller plus loin et sortir du « tout technologique » ? Dans ce contexte, comment travailler avec des parents pour mieux aider l’enfant ?

Il est évident qu’il n’est pas question de se substituer au psychologue. En revanche, l’association des parents à la problématique des enfants paraît indispensable. En effet, les familles d’enfants souffrant de dyslexie sont de plus en plus déstructurées : un parent seul ; des pères absents ; des couples dépassés par les évènements ; des mères qui veulent « tout gérer » et qui se transforment en « gendarmes » en perdant leur faculté de discernement. Un point récurrent cerne ces familles : l’absence de parole structurante.L’origine de la dyslexie chez l’enfant n’est pas un dysfonctionnement du traitement auditif de la parole mais un manque de la parole parentale qui doit faire sens pour le développement de l’enfant. La prise de conscience des parents de leur propres difficultés de parole est donc un premier pas vers la restauration des relations parents/enfants. L’orthophoniste doit lui aussi trouver les mots pour que les parents s’emparent du problème de leurs enfants et parviennent à agir de manière plus sensée. Il s’agit donc de trouver une conciliation entre l’approche scientifique neuropsychologique et une approche humanisante anthropologique qui tienne compte du contexte dans lequel la maladie a pris place. Il s’agit de redonner à la parole sa place au cœur du soin aussi bien avec l’enfant qu’avec les parents. La parole est symbolisante. Elle est à la fois le nœud du problème et sa solution. Elle se nourrit de la lecture d’un sens et du sens de la lecture centrée sur le devenir de l’enfant, un devenir toujours questionnant, un devenir pierre de touche. De ce point de vue, il semble qu’une forme de dyslexie soit en miroir chez les orthophonistes et les parents quand ils ne parviennent pas à sortir d’une interprétation superficielle du problème que l’enfant met en scène sans le savoir. C’est pourquoi la parole est première chez les parents pour l’avenir de l’enfant. Cela apparaît au premier abord du bon sens. Or, la dyslexie est focalisée sur l’enfant et sa prétendue défaillance de traitement. En ce sens, la difficulté d’apprentissage est fondamentalement celle d’apprendre de l’enfant pour lui parler et lui permettre d’apprendre. Apprendre de soi par l’enfant, miroir de l’être.


Ainsi, symboliser, c’est permettre de sortir du cercle pathologique. C’est créer un tissage de sens au-delà de signes creux et morts ; c’est répondre au manque-à-être par la parole car l’écrit n’en est que le porteur ; c’est faire vivre la lettre d’un esprit libérateur. Les enfants se développent d’autant mieux quand les parents parlent et donnent un sens à l’histoire familiale.


Michel Roméo

[Orthophoniste]


[1] Ortho Édition, 2018.





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