
Severance (Dissociation) Série TV* où l’on suit des employés de bureau qui ont subi une opération visant à séparer leurs souvenirs professionnels des souvenirs personnels. On pourrait être tenté par une telle dissociation de confort, permettant à la pression du travail de ne pas envahir le “sanctuaire” de la sphère privée. Cependant, au-delà du fait que la vie de famille apporte son lot de tracas, l’être humain – comme l’a démontré Platon – possède une propension inextinguible à rechercher une unité primordiale. Cette quête se reflète chez plusieurs personnages de la série, qui en viennent à demander la “restauration” de leur condition dissociée.
Pour l’un d’eux, le doute s’installe lorsqu’elle se pose cette question cruciale : « Pourquoi ai-je fait ça ? », après avoir visionné une vidéo où son “alter privé” confirme pourtant avoir choisi cette dissociation en “toute liberté”. Inéluctablement, même dans les situations les plus kafkaïennes, la subjectivation finit par s’imposer.
L’enchaînement des péripéties des protagonistes, encore potentiellement sauvables en tant qu’êtres humains, incarne cette interrogation fondamentale : dans quelle mesure reste-t-il encore de l’autre en nous ? Paradoxalement, cette tentative de désunion radicale stimule la possibilité d’une nouvelle unité. Certes, celle-ci est définitivement clivée, mais comme une faille constituante où une dialectique s’est formée dans l’épreuve entre le Moi et Je. Finalement, que l’on se trouve d’un côté ou de l’autre, ne serait-ce pas précisément cela la fonction essentielle de l’Autre ?
Christophe Aveline
*[Severance série sur Apple TV+]
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